L’AMF s’est toujours opposée au transfert obligatoire, automatique et sans consultation, des compétences eau et assainissement aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération au motif que les communes sont souvent les mieux placées pour apprécier l’échelle pertinente de mutualisation des services et pour organiser efficacement l’exercice de ces compétences en fonction notamment des caractéristiques de la ressource.
Alors que la carte des intercommunalités a connu une évolution sans précédent par la mise ne place de vastes territoires qui associent espaces ruraux, urbains et périurbains, une augmentation significative des compétences obligatoires telles que l’eau et/ou l’assainissement entraînent des complexités importantes (réorganisations des services, négociation de conventions très techniques). Les communautés ont dû procéder à des transformations déjà significatives de leurs statuts (transferts de nouvelles compétences en 2017 et 2018 et 2019). Les élus ont le sentiment que ces processus sont menés très rapidement et s’effectuent selon une vision administrative au détriment d’une logique plus pragmatique de gestion des compétences, de coopération et de mutualisation autour de projets communs. L’évaluation du coût global de ces transferts reste modeste.
L’AMF a donc soutenu la proposition de loi sénatoriale pour le maintien des compétences « eau » et « assainissement » dans les compétences optionnelles des communautés de communes et des communautés d’agglomération (votée au Sénat en janvier 2017).
Débattue à l’Assemblée nationale le 12 octobre 2017, le sujet avait été renvoyé à un groupe d’études parlementaire mis en place à l’initiative de Jacqueline GOURAULT, ministre auprès du ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur.
Ce groupe a auditionné l’AMF le 8 novembre dernier. Il a depuis rendu ses premières « conclusions » qui ont été évoquées par le Premier Ministre dans son intervention devant le Congrès des maires et des présidents d’intercommunalité.
Les mesures envisagées étaient les suivantes :
– permettre la représentation-substitution des communautés, en lieu et place des communes membres, dans les syndicats qui regroupent des communes appartenant à 2 EPCI seulement au lieu de 3 actuellement.
– permettre dans les communautés de communes l’exercice d’un droit d’opposition (au transfert) par 25% des communes membres représentant au moins 20% de la population pour une durée limitée ou pérenne (sans retour possible, pas de « dé-transfert ») et avec possibilité de dissocier l’assainissement de l’eau potable.
Le Premier Ministre a ensuite précisé dans son discours de clôture de la CNT du 14 décembre 2017 que cette dérogation avec exercice de droit de blocage serait limitée dans le temps (2026).
Dans cette continuité, Richard FERRAND et Marc FESNEAU ont déposé une proposition de loi le 21 décembre 2017 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes :
D’abord, ce texte confirme la possibilité de déroger, dans les communautés de communes, au transfert des compétences eau ou assainissement par l’exercice d’un droit de blocage par une minorité de communes membres (article 1).
Ainsi, il est prévu que :
– si des communautés de communes exercent déjà les compétences « eau » ou « assainissement » (à la date de publication de la présente loi) en tant que compétences optionnelles ou facultatives, celles-ci deviendront obligatoires dès le 1er janvier 2020 ;
– si des communautés de communes n’exercent pas ces compétences (à la date de la publication de la présente loi), les communes membres pourront s’opposer au transfert obligatoire avant le 1er juillet 2019 par un vote de 25 % des communes représentant au moins 20 % de la population ; les compétences deviendront alors obligatoires au 1er janvier 2026 (sauf à ce que la communauté sollicite la prise de compétence entre 2020 et 2026, dans ce cas les communes pourront s’opposer selon les mêmes règles) ;
– si des communautés de communes n’exercent pas ces compétences en 2019 et ne s’opposent pas à leur transfert, elles seront obligatoires au 1er janvier 2020.
Ensuite, la proposition de loi abroge le principe de limitation des conditions de représentation-substitution des communautés de communes dans les syndicats (Article 3).
Ainsi, l’obligation pour les syndicats mixtes compétents dans ces domaines de comporter des communes issues de trois EPCI à fiscalité propre différents serait abrogée.
Avis de l’AMF :
Cette proposition de loi, issue d’un compromis, résout un certain nombre de difficultés. Elle permet de répondre aux fortes inquiétudes et oppositions exprimées dans de nombreux territoires quant aux transferts de la compétence « eau » et « assainissement » aux intercommunalités et ce notamment en zone rurale.
Toutefois, il ne répond que partiellement à la volonté de souplesse exprimée par l’AMF qui défend la liberté d’organisation des compétences entre les communes et les intercommunalités sur la base d’un projet partagé. Par principe, le gouvernement refuse de revenir sur le principe du transfert obligatoire. Celui-ci sera donc seulement différé, sous certaines conditions.
Cette proposition de loi aurait pu davantage placer l’objectif de performance des services publics avant des considérations organisationnelles, ce qui revient à privilégier des objectifs de moyens plutôt que des objectifs de résultats.
Pour l’AMF, la dérogation au transfert devrait pouvoir être réexaminée au-delà de la date butoir de 2026 pour les organisations qui auraient démontré la performance du service (via par exemple, le rendement des réseaux ou d’autres indicateurs du rapport du service public du prix et de la qualité de l’eau publiés).
L’AMF tient à souligner trois observations sur le texte en l’état :
– il conviendrait de préciser clairement que les compétences eau et assainissement sont distinctes l’une de l’autre et qu’il est possible de les exercer séparément, comme de s’opposer au transfert de l’une et pas de l’autre ;
– par ailleurs et pour des raisons de cohérence sur le territoire, la disposition concernant la représentation-substitution des communautés de communes au sein d’un syndicat mixte compétent en matière d’eau ou d’assainissement (article 3) mériterait d’être étendue aux communautés d’agglomération (article L. 5216-7 du code général des collectivités territoriales) -voire à tous les EPCI à fiscalité propre- du fait de sa complexité opérationnelle. En effet, une communauté de communes pourrait par représentation-substitution adhérer à un syndicat mixte compétent en matière d’eau lorsque celui-ci couvre le territoire de deux communautés de communes ; en revanche, un syndicat mixte ne pourrait pas perdurer s’il regroupait des communes membres d’une communauté de communes et d’une communauté d’agglomération puisque cette dernière doit par représentation-substitution adhérer à un syndicat couvrant au moins 3 EPCI à fiscalité propre. Dès lors cette disposition ne concernerait pas toutes les communautés de communes.
– A cet égard, la question du transfert obligatoire des compétences eau et assainissement aux communautés d’agglomération est posée dès l’instant que leur territoire étendu depuis la réforme de la carte intercommunale recouvre des zones urbaines, périurbaines et rurales, voire plusieurs pôles de petites villes en zone rurale.
A ce stade, la PPL a été adoptée par la Commission des lois de l’Assemblée Nationale avec des amendements qui visent à clarifier le texte et à lier l’assainissement avec la gestion des eaux pluviales
Il est précisé « assainissement des eaux usées et assainissement des eaux pluviales et des eaux de ruissellement des zones urbaines et des zones à urbaniser délimitées par un plan local d’urbanisme » pour la compétence des CC, des CA, des CU et des métropoles. Il s’agit de l’application à toutes les communautés de la jurisprudence de 2013 (ce qui peut être contestable).
L’AMF a proposé deux amendements :
– relever le seuil pour l’équilibre des SPIC de 3000 à 5000 habitants
– étendre les possibilités d’opposition dans les CA qui ne sont pas compétentes en matière d’eau ou d’assainissement.